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jeudi 25 septembre 2014

Trois semaines déjà, il est temps de donner quelques nouvelles du travail amorcé dans le cadre du projet Les mains invisibles. Deux territoires sont en cours d'investigation, le port de pêche de Cotonou et les mécaniciens auto-moto du quartier Agla où est implanté le Centre Culturel Artisttik Africa. 
Le port de pêche regroupe pêcheurs ghanéens et béninois, les pirogues sont remontées chaque jour sur la berge bétonnée. Plusieurs types de pêche sont pratiquées : filets de fond, filet de surface, ligne de fond, sennes tournantes. Je retrouve plusieurs outils de travail communs aux pêcheurs de l'Ile d'Yeu, ce sont surtout les embarcations qui diffèrent. Les pirogues sont constituées d'un premier tronc creusé qui fait l'âme de l'embarcation, puis plusieurs pans de bois sont cloutés sur les bords. Une tablette est fixée sur le côté de la pirogue permettant l'installation du moteur hors-bord. 
Je rencontre plusieurs acteurs du port et nous discutons longuement de leurs techniques et des difficultés à se procurer certains matériaux, tout est affaire de récupération et de bidouille mais malgré tout, les techniques évoluent et de nouveaux outils apparaissent.

Les photos étant difficiles à prendre, j'ai plutôt choisi le dessin pour rendre compte de mes observations, cela permet aussi les rencontres puisque le temps de la captation dessinée n'est pas le même que celui de la prise photographique.


Plusieurs dessins représentent le travail des ramendeurs qui réparent ou fabriquent les filets. Ces filets sont constitués de flotteurs récupérés sur de vieilles semelles de tongs et de plomb coulé. 




Une autre série s'attache à relever des fragments de pirogue, mettant en avant les assemblages complexes dus aux multiples réparations et à l'altération des bois.






Le projet, se développe petit à petit. Je pense construire des flotteurs lumineux, utilisés lors des pêches de nuit pour signaler la présence du filet tout en appâtant le poisson vers la surface. Les drapeaux utilisés à l'Ile d'Yeu seront également montés sur des cannes pour signaler le début et la fin du filet.
L'intention est de réutiliser le répertoire de formes déjà constitué et imprimé sur les drapeaux, à travers une nouvelle série d'objets, intégrant de nouveaux matériaux et techniques adaptés à la pêche locale.
Un patron de pêche m'a proposé d'embarquer pour une pêche nocturne au cours de laquelle nous pourrions tester ces nouveaux objets et éventuellement réaliser une vidéo sur cette expérience.
Voici quelques dessins représentant les futurs objets lumineux. Ils associent plusieurs artisans pour leur confection : un fabricant de mobilier en rotin et osier, un vulcanisateur (réparateur de chambre à air) et les récupérateurs de bidons du marché de Dantokpa.


Bien sûr, tout cela est une affaire d'homme, les femmes restent à terre et gèrent d'une main de fer le buisness et les transactions autour de la criée, ou ici on crie vraiment!



lundi 22 septembre 2014

Déambulation au marché Dantokpa

Aller à Dantokpa est une véritable aventure. On ne visite pas ce marché comme on flâne le long des étals du petit marché breton ou parisien. Ici, on se pare en conséquence : pantalon long, chaussures fermées, écran total et sac à dos sur le ventre, pas de bijoux ni d'appareil photo à portée de main.
Dantokpa, c'est une ville dans la ville : 18 hectares, plus de 30 000 exposants,   
50 000 visiteurs par jour, des quartiers avec leur chef. Densification des rapports et des flux, poussière accrue, circulation combative, explosion de couleurs et de senteurs gourmandes, âcres, pimentées, dégustation de sodabi chez M. Gassèto (boisson local, dérivée du vin de palme) avant d'arpenter ce dédale fascinant.

Sous des kilomètres de tôles ondulées, se croisent et se rencontrent, des passants désorientés, des zemidjans pressés, des commerçantes affairées, des boubous colorés, des poulets à manger, des fétiches à respecter, du bissap à déguster, des couleurs à capturer, de belles échoppes achalandées, des odeurs à glâner... J'aimais à arpenter de lieu tentaculaire et bouillonnant. Si coloré, si vivant ! (Karine Maincent-Studio Tokpa)


Vue de l'immeuble central, seul bâtiment du marché construit en dur, en 1954.



Paysage aux tôles ondulées :
vue du marché depuis la caserne de pompiers. 



Instant de négociation coloré.





Rencontre de Monsieur Gassèto, figure tutélaire du marché et autorité religieuse.


Dégustation d'un café glacé et de la meilleure omelette du marché chez Max, un homme cuisinier souriant et généreux, dans une micro échoppe.
A nos côtés : Marie-Ange, ayant travaillé à la SOGEMA, structure qui gère le marché & Stéphane Brabant, photographe ayant développé un large travail photographique autour de Dantokpa et initiateur du festival culturel Dantokpa on Air (printemps 2014).



Première projection sur la place publique d'Agla


Dans le cadre du projet "Un art du geste", quatre soirées de projections sont organisées en partenariat avec le Centre Culturel Artistikk Africa, sur la place publique d'Agla, quartier populaire de Cotonou. La première a eu lieu mercredi 17 septembre 2014 à 20h par la diffusion de Der Lauf der Dinge (Le Cours des choses) de Peter Fischli & David Weiss, 1987-87 - œuvre de la collection du Frac des Pays de la Loire. 

Le film est un corollaire, une suite naturelle d’accidents scientifiquement organisée ; un ballon se gonfle, une roue roule, une casserole s’enflamme... Il est aussi l’expression du principe de causalité qui consiste à affirmer que rien n’arrive sans cause. Une poubelle pousse une roue de voiture qui elle-même entre en collision avec une planche qui... Ainsi va le cours des choses : elles tombent, se retournent, prennent feu, explosent par simple contact ou rencontre. (...) Ils s’emploient à déconstruire le monde, pour nous inviter à le construire de nouveau, à le rêver. Le succès de ce film est donc à chercher dans ses multiples entrées : dans son caractère poétique à l’accent drolatique, et surtout métaphysique. (...)
Le Cours des choses est donc un film sur la vie, ce qui explique et provoque cette empathie, cette participation émotive avec l’objet lui-même par le plus grand nombre. C’est un film qui désigne cet acte d’identification à l’autre qui permet de le comprendre. Voici, donc, une œuvre d’art compréhensible par tous, une œuvre spectaculaire (suspense) et initiatique, qui est une source de droit pour la connaissance de l’art. (texte de Jean-Marc Chapoulie)

Ce n'est pas un hasard d'ouvrir le cycle de projections par cette œuvre vidéo qui prend écho dans le quotidien et le réel. Les matériaux ont ici, au Bénin, une seconde, voire une troisième vie. Rien ne se jette, rien ne se perd, tout se récupère ! Usage de la matière, matière vivante qui se répand sur les sols sableux et boueux, corps en mouvement ou au repos selon la température atmosphérique, cycle infini. 
Les enfants sont au rendez-vous, yeux écarquillés et oreilles grandes ouvertes ; les adultes sont plus discrets puis arrivent au fur et à mesure : marchandes, zemidjans, passants, vaches et zébus prennent le temps de s'arrêter devant ce cycle d'objets en mouvement... Des rires, des mots en fon, des "waou" ponctuent l'appréhension de l'œuvre après un temps de médiation. Différence des comportements et des habitudes, nous ne parlons pas la même langue et n'adoptons pas le même langage, usage de l'espace public de manière libre et parfois insolente, mais ce soir l'art nous rassemble et crée un interstice sensible ouvert sur le monde : c'est l'essentiel.








dimanche 21 septembre 2014

Quartier Fidjrossè

Vues de la terrasse







Plage de Fidjrossè



Epopée vers Abomey en bus de l'OL


Il est bon parfois de quitter Cotonou, s'extraire de cette masse urbaine aux mouvements incessants... Direction Abomey, la cité historique et royale, à 3h30 de la capitale. Nous quittons Fidjrossè à 13h, le 10 septembre et n'imaginons pas que cette virée deviendra finalement une épopée. 
Sur la place de l'Etoile Rouge, lieu de départ pour le nord du pays, nous achetons un ticket pour Abomey. Le soleil tape, 37°, ici les bus ne partent dès lors qu'ils sont remplis, on attend donc sagement dans cet ancien bus de l'Olympique Lyonnais sans clim et avec vieux poste télé intégré (où tu vois la vidéo en boucle d'une nana se trémousser sur fond de coup-décalé, pendant tout le trajet)...jusqu'à finalement 15h45 avant que le moteur ne se mette en marche. Plein d'essence dans deux stations, longue file d'attente au péage à la périphérie avant de prendre la route. Nous traversons Porto-Novo, puis plusieurs villages d'où bondissent de jeunes enfants pour vendre oranges, citrons, beignets à l'abord du bus et à chaque dos d'âne. Le soleil se couche déjà, le paysage change au fil des kilomètres, la peau se recouvre d'une fine couche de poussière, la terre devient ocre, la végétation est luxuriante, la latérite est dense et les couleurs franches. 
Arrivée à Bohicon à 21h45, à 18 km d'Abomey. A la descente du bus, gare à nos affaires, une masse de personnes : enfants, zems nous assaillissent, il ne faut pas traîner. Nous filons en moto, traçons dans la nuit noire pour arriver enfin chez Pierre et Marguerite, qui tiennent le maquis Delphano où nous apprécions une Béninoise - la bière locale - et un poulet-aloko, en compagnie de Gégé, un ami béninois... Il est 22h30, 9 heures et demi pour faire 250 km, on l'aura fait !

En visite chez le dah Agbalenon, à Agbangnizoun












dimanche 14 septembre 2014

Bonne arrivée !

Atterrissage le 1er septembre, à 19h15 à l'aéroport de Cotonou, Cadjehoun. Température extérieure : 28°C. Température corporelle : 36,5°C selon le thermomètre, qui s'apparente à un petit pistolet, visé vers le front avant le passage à la douane. Précautions prises contre Ebola qui sévit en Afrique de l'Ouest.

"Bonne arrivée", nous dit-on là où on arrive... Formule d'accueil, sourire chatoyant et bienveillant. Chargement accompli avec Simplice : 6 bagages et une des Unités Mobiles d'Exploration qui nous suit jusqu'ici. Direction Fidjrossè, l'air est humide. 


Dès le lendemain, déplacements en "zem" (dit zemidjan, taxi moto), bouffées d'essence frelatée à gogo, poussière et bruits incessants. Le regard et le corps prennent leurs nouveaux repères : la chaleur nous amène à ralentir. Ici, il ne faut pas être pressé : une journée pour activer ta carte sim et ton forfait 3G. On m'a dit hier que la 5G arriverait prochainement au Bénin, affaire à suivre...


Bientôt deux semaines à Cotonou. Plusieurs rencontres avec directeurs de centres d'art, coordinateurs artistiques et artistes nous amènent à comprendre le fonctionnement et la structuration des espaces dédiés à la création contemporaine. Complexe et délicat. 

Nous avons signé une convention de partenariat avec le centre culturel Artisttik Africa. 
Dans le cadre du projet Un art du geste, plusieurs projections d'œuvres vidéo de la collection du Frac des Pays de la Loire sont d'ores et déjà prévues à 20h sur la place publique d'Agla, quartier populaire de Cotonou, suivies d'un temps de médiation et d'échanges avec les habitants : 
- 16/09/14 : Peter Fischli & David Weiss, Der Lauf der Dinge (Le cours des choses), 1987
- 19/09/14 : Régis Perray, Les plus beaux pavés du Quai Saint-Félix, 2002 & Patinage artistique au Musée des Beaux-Arts de Nantes, 2000
Pierrick Sorin, Réveils, 1998
- 23/09/14 : Lili Dujourie, Koraal, 1978 & Passion de l'été pour l'hiver, 1981
- 26/09/14 : Song Dong, Jump, 1999 & Laurent Tixador et Abraham Poincheval, L’inconnu des grands horizons, 2002
Ces projections précèdent les ateliers pédagogiques proposés au jeune public du quartier d'Agla, ils se tiendront au sein d'Artisttik Africa les 17, 20, 24 et 27 septembre. 
Tandis que Julien développera un projet auprès des mécaniciens du quartier d'Agla.

En "agitateuse culturelle", coffret pédagogique à la main, à la conquête de nouveaux publics !

Enfin, six ateliers sont prévus au sein de la bibliothèque d'art contemporain MAVA, créée par l'artiste Meschac Gaba : 24, 27 septembre, 1er, 4, 8 et 11 octobre. On ne chôme pas !



samedi 13 septembre 2014

Un art du geste

Le projet « Un art du geste » a pour objectifs : 
- la promotion de la création artistique contemporaine, par le biais de la pédagogie et d’actions culturelles 
- la sensibilisation aux pratiques de la performance par l’élaboration d’un dispositif de médiation, innovant et didactique 
- la création et la production d’un coffret pédagogique : objet nomade et unique 
- la diffusion de ce coffret sur divers territoires (au Bénin et en France) et dans plusieurs contextes (établissement scolaire, université, bibliothèque, musée, centre d’art, centre culturel espace public, école de danse, école d’arts plastiques) via des modules d’ateliers et une présentation du dispositif.


Ce coffret propose une sensibilisation autour des pratiques de la performance, rassemblant un jeu et des protocoles performatifs ; autant d’invitations à entrer, par la découverte et l’expérimentation, dans l’univers de performeurs. La performance est riche pour interroger la question de l’insaississable, de l’immatérialité et de l’éphémère, du geste et de la parole, de l’espace et du corps, du réel et de l’immédiateté.
La performance permet une relation expérimentale du monde. La performance comme un art du récit et d’action, un art du mouvement et de la narration.



A l’instar du musée portatif, de la Boîte en valise de Marcel Duchamp, les publics seront invités à découvrir un objet nomade, dont le contenu s'adapte en fonction de l'espace de présentation et des propositions ludiques et inventives, tel le vecteur d’une pensée artistique. Cet objet est facilement diffusable grâce à son format mobile.



Le coffret pédagogique contient, entre autres, un jeu de 9 familles d'artistes performeurs ou proches du champ de la performance (ex : Jackson Pollok, Marina Abramovic, Lygia Clark, Esther Ferrer, Valie Export, Francis Alÿs, etc). Le jeu permet de dresser une histoire de la performance en art, les artistes ont été regroupés par thématiques et territoires de pensées. A chaque famille correspond une couleur et 4 « cartes artistes », soit un total de 36 cartes. Ce jeu peut s’augmenter, à l’avenir, d’autres « cartes artistes ». 


Song Dong, Jump, 1999
Collection du Frac des Pays de la Loire

A cela vient s’ajouter une sélection d’œuvres vidéos de la collection du Frac des Pays de la Loire, afin d’aborder la performance contemporaine dont celles de Song Dong, Lili Dujourie, Christelle Familiari, Peter Fischli & David Weiss, Régis Perray, Laurent Tixador & Abraham Poincheval, Pierrick Sorin.

Des modules d'ateliers sont proposés :
- histoire de la performance (définition, origine, enjeux et figures majeures)
- performance contemporaine incluant la diffusion d'œuvres vidéo du Frac des Pays de la Loire (enjeux, formats, influences, modes et lieux de diffusion)
- ateliers de création et de mise en geste : le public est invité à relire une série de performances comme une mise en mouvement du monde, créant des espaces d’expression et de nouvelles narrations, prenant appui sur les notions suivantes : nomadisme, 
déambulation, marche poétique, rapport au corps politique et à la ville.


vendredi 12 septembre 2014

Corrélations

Voici deux vidéos : l'une tournée sur le Gulf Stream, représentant un enrouleur de filet, l'autre tournée dans l'usine de tissage de Toiles de Mayenne, représentant un dévidoir de bobine. C'est un exemple de corrélation parmi d'autres, mais qui crée le fondement du projet : trouver des formes ou des gestes qu'il soit mécaniques ou humains et créer des passerelles entre différents univers de travail.






jeudi 11 septembre 2014

Les mains invisibles à Fontaine-Daniel

Le projet continue...
Lors d'une résidence à l'Ecole d'arts plastiques de Mayenne sur une invitation de Mathias Courtet, coordinateur des expositions à la Chapelle des Calvairiennes, une immersion dans l'entreprise Toiles de Mayenne à Fontaine Daniel m'a permis d'ouvrir une nouvelle voie de recherche.


Toiles de Mayenne produit du tissu depuis 1806, sur ce territoire singulier qu'est Fontaine-Daniel. J'y suis allé régulièrement durant un mois développant un travail de dessin à l'aide de mon Unité Mobile d'Observation. Cette recherche est le début d'un travail qui se poursuivra avec les artisans du tissu au Bénin, il sera l'occasion de construire une nouvelle Unité Mobile d'Exploration.